Maladie mentale : le chemin du rétablissement
Le chemin qui sépare la maladie du mieux-être est différent pour chacun. Nous nous sommes entretenus avec Lisa B., qui a bien voulu nous raconter son expérience personnelle dans l’espoir d’aider son prochain.
J’ai toujours eu tendance à m’inquiéter, et me faire du souci à propos de tout et de rien m’a été fort utile pendant de nombreuses années... en tout cas, c’est ce que je pensais. Même enfant, mes notes me tracassaient et j’obtenais rarement moins qu’un A. Mon souci du détail m’a également aidé à exceller dans les sports. Je suis devenue une jeune femme sérieuse qui avait de grandes attentes envers elle-même. J’ai cru que toutes mes inquiétudes m’avaient rapporté lorsque j’ai reçu une bourse d’études dans une université prestigieuse et que j’ai obtenu mon diplôme avec haute distinction. Mon perfectionnisme, ma minutie et ma prévoyance m’ont aidée à briller dans un emploi que j’adorais. À la mi-vingtaine, je me suis mariée et peu après, j’ai eu des enfants; ma vie allait à plein régime, y compris mes angoisses. Je m’inquiétais du stress que mon mari vivait au travail, de nos finances personnelles, de nos horaires de plus en plus fous et, bien sûr, de tous les aspects de la vie de mes enfants. Mais c’est comme ça pour toutes les mères qui travaillent, n’est-ce pas? On s’en fait constamment?
Ma vie était stressante, mais tout à fait ordinaire, jusqu’à ce jour fatidique : j’avais environ 35 ans, et je faisais l’épicerie après quelques semaines particulièrement difficiles. Un de mes enfants avait de la difficulté à l’école et était turbulent, ma mère était hospitalisée, mon mari avait décidé de lancer sa propre entreprise, et j’avais beaucoup de pression au travail. Je me souviens que j’étais dans le rayon des céréales lorsque mon cœur s’est mis à battre la chamade; j’avais le souffle court, je tremblais et je transpirais, j’avais des douleurs dans la poitrine et j’ai cru que j’allais m’évanouir. Je suis restée plantée là quelques minutes avant de réussir à sortir du magasin et à regagner ma voiture, où je suis restée assise pendant 15 minutes à me demander si j’allais mourir. Les symptômes se sont lentement dissipés et je suis rentrée à la maison, secouée, mais apparemment indemne. Plus tard ce mois-là, ça s’est produit de nouveau – cette fois au travail – et une autre fois deux mois plus tard, pendant une dispute avec mon mari. Je pense que cet épisode lui a fait plus peur à lui qu’à moi.
J’avais maintenant une autre raison de m’inquiéter. Je n’arrivais pas à calmer mes esprits. Mes pensées défilaient à toute vitesse, jour et nuit, je ne dormais pas, j’avais une indigestion chronique et je suis devenue obsédée par des problèmes réels et imaginaires. Je me sentais malade physiquement, épuisée et vidée mentalement. Les crises effrayantes se succédaient – je ne savais jamais où et quand elles allaient se produire – et j’ai commencé à avoir peur de quitter la maison. Ma capacité de fonctionner dans ma vie professionnelle et familiale a chuté. Cependant, j’étais persuadée que j’avais simplement trop de pain sur la planche et que les choses reviendraient bientôt à la normale.
J’ai atteint le point de non-retour trois ans plus tard, quand l’entreprise pour laquelle je travaillais a fait une restructuration massive et que j’ai perdu mon emploi. Cet événement a été dévastateur pour moi, compte tenu de mon état de santé mentale et physique à cette époque. Mais, cette perte d’emploi m’a également donné le temps de réfléchir à ma vie professionnelle des dernières années. J’ai constaté que mon inquiétude obsessionnelle avait affecté mon rendement au travail et mes relations d’affaires. J’étais devenue craintive, irritable et dispersée. Je me faisais tellement de souci à propos de problèmes imaginaires que je m’arrivais à ne rien faire, et mes « crises » me laissaient tremblante et en larmes. Je me sentais complètement seule. Je n’avais pas d’emploi, pas de vie sociale, mes enfants passaient plus de temps chez les parents de leurs amis, et mon mari travaillait de longues heures et sa patience envers moi commençait à s’épuiser – cela faisait des années qu’il me suppliait d’obtenir de l’aide, mais je ne l’écoutais pas. C’est à ce moment que j’ai compris que j’avais perdu beaucoup plus qu’un emploi : j’avais perdu des amis, éloigné des membres de ma famille et mis en péril mes relations avec toutes les personnes de mon entourage. J’ai dû admettre que mon mari avait raison : j’avais besoin d’aide. D’ailleurs, c’est lui qui a suggéré que j’avais peut-être un trouble anxieux. Il avait fait des recherches en ligne et avait vu que mes symptômes correspondaient à ceux du trouble anxieux généralisé et du trouble panique. Il avait même communiqué avec son programme d’aide aux employés pour se renseigner à propos des ressources en santé mentale qui existaient dans notre région. Donc, réticente, j’ai appelé mon médecin de famille pour obtenir de l’aide. Il m’a prescrit des médicaments et j’ai commencé à mieux maîtriser mes pensées au bout de quelques semaines; en prime, mes crises de panique se sont estompées. Pour la première fois depuis des années, je sentais que je pouvais respirer.
J’ai voulu savoir pourquoi la plupart des gens savent composer avec leur stress et leurs angoisses, alors que les miens avaient envahi mon existence. Je me suis donc tournée vers la psychothérapie afin de mieux comprendre ma maladie, et vers le counseling pour apprendre des stratégies afin de gérer mon stress. Pour moi, l’activité physique et les techniques de relaxation ont fait merveille. J’ai redécouvert ma passion d’enfant pour les sports. Je courais tous les matins, je me suis inscrite à un club de tennis, j’ai joint une équipe de balle-molle et j’ai commencé à jouer au golf avec mon mari. Je l’ai même convaincu de faire du yoga avec moi! Grâce au sport, j’ai commencé à me faire de nouveaux amis qui non seulement m’acceptaient comme je suis – trouble anxieux et tout –, mais me soutenaient et m’encourageaient.
Les mots ne peuvent pas décrire à quel point ma décision a changé ma vie. J’ai un nouvel emploi que j’aime, et je réussis bien. J’ai des amis bienveillants et surtout, j’ai rétabli les liens avec mon mari et mes enfants. J’ai retenu ma leçon. Oui, je dois m’occuper de ma famille, de mon travail et de mon cercle social, mais je dois aussi m’occuper de moi-même. J’ai enfin réalisé que je ne suis pas parfaite, et ça me rend heureuse.