Le cannabis en milieu de travail pour les gestionnaires
Dans la foulée de la légalisation, voire de la banalisation, de la consommation de cannabis à des fins médicales dans de nombreux pays, les pressions se sont accrues sur les gouvernements fédéraux, provinciaux et d’État pour légaliser et réglementer l’usage de la marijuana à des fins récréatives. Les défenseurs de cette légalisation invoquent que, du point de vue de la santé, le cannabis est moins nocif que le tabac et l’alcool et que, du point de vue social, la décriminalisation a pour effet de désengorger les tribunaux, de faire économiser de l’argent aux contribuables et de remplir les coffres du gouvernement au lieu des poches des criminels.
Le Canada deviendra le premier pays du G7 à décriminaliser la consommation du cannabis à des fins récréatives (jusqu’ici, seulement neuf états américains l’ont fait). Alors que l’entrée en vigueur de la nouvelle loi approche à grands pas, plusieurs organisations, notamment celles qui œuvrent dans des secteurs d’activité où la sécurité est essentielle, comme la construction, les transports et les soins de santé, ont des préoccupations et des incertitudes quant à leurs droits et à leurs responsabilités à l’égard de la consommation de cannabis en milieu de travail, ou quant à leurs obligations d’adaptation à l’égard des employés consommant du cannabis à des fins médicales. Les tribunaux n’ont toujours pas statué sur certaines questions, dont le droit de l’employeur d’imposer des tests de dépistage de drogues. Par contre, d’autres questions sont plus faciles à trancher.
Droits de l’employeur
Les organisations doivent avant tout retenir que la légalisation de la consommation de la marijuana à des fins récréatives ne confèrera pas aux gens le droit de consommer cette substance dans leur lieu de travail. La plupart des entreprises ont déjà en place des lignes directrices strictes en matière de santé et de sécurité afin d’encadrer la consommation d’alcool et de drogue dans le milieu de travail, ainsi que des politiques de tolérance zéro à l’égard de l’affaiblissement des facultés. La décriminalisation du cannabis ne dispense pas les employés de l’obligation d’arriver sobre au travail, de le rester et de répondre aux attentes, et des mesures disciplinaires leur seront imposées s’ils manquent à cette règle. Elle s’applique pendant les pauses et les heures de repas et lors d’activités organisées par l’entreprise ou le client.
Obligation d’adaptation
Des lois fédérales, provinciales et étatiques précises en matière de droits de la personne régissent l’obligation d’adaptation de l’employeur à l’égard des employés ayant un handicap. Les mesures d’adaptation peuvent consister à réaffecter l’employé à un autre poste s’il occupe un poste critique pour la sécurité, à lui accorder des pauses plus fréquentes, à instaurer un autre horaire de travail ou à modifier ses tâches.
Se préparer à la décriminalisation
Dans le cadre de l’Enquête canadienne sur le cannabis réalisée en 2017 auprès de quelque 10 000 personnes, 23 % des travailleurs à temps plein et à temps partiel sondés ont admis fumer de la marijuana et 39 % ont déclaré avoir déjà pris le volant sous l’effet du cannabis. Certains se demandent si ces pourcentages augmenteront après la légalisation de la consommation du cannabis à des fins récréatives. À l’inverse, d’autres croient que ces chiffres pourraient reculer, car la décriminalisation est une occasion pour les organisations de créer et de communiquer des politiques et des procédures claires concernant la consommation au travail de cannabis à des fins récréatives, ainsi que des mesures disciplinaires plus détaillées en ce qui a trait à l’affaiblissement des facultés.
Pour bien se préparer aux modifications législatives à venir, les organisations peuvent prendre les mesures suivantes :
- Fournir à l’interne des séances d’information aux employés. Tous les employés doivent être au courant des modifications législatives, des nouvelles règles en matière de santé et de sécurité, ainsi que des attentes et du code de conduite de l’organisation.
- Fournir de la formation aux gestionnaires, aux superviseurs et au personnel de première ligne à propos de la détection de l’affaiblissement des facultés, de leur obligation d’adaptation à l’égard des employés qui consomment du cannabis pour des raisons médicales, et des mesures à prendre lorsque les employés contreviennent aux politiques et aux lignes directrices de l’organisation.
- Établir des programmes de sensibilisation. Informer les gens des dangers et des conséquences juridiques qui sont associés à une conduite avec facultés affaiblies, ainsi que des risques qui sont liés à la consommation de toute substance, fait partie intégrante de toute stratégie globale en matière de santé et sécurité du travail.
- Offrir des ressources aux employés qui veulent se renseigner davantage au sujet de la marijuana thérapeutique ou récréative ou obtenir de l’aide en raison d’un problème de toxicomanie. Informez les employés et les gestionnaires que leur programme d’aide aux employés et à la famille propose une vaste gamme de ressources de soutien.
En conclusion
En vertu du Code criminel et des lois en matière de santé et sécurité du travail, les entreprises et leurs dirigeants peuvent être tenus responsables de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer un milieu de travail sécuritaire sur le plan physique et psychologique. Pour faire preuve de diligence raisonnable, il faut se tenir au fait des changements qui sont apportés aux lois et aux lignes directrices en matière de santé et sécurité du travail, mettre à jour et modifier les politiques existantes dans le milieu de travail, fournir de la formation aux superviseurs de première ligne à l’égard de la détection de l’affaiblissement des facultés, et assurer la mise en œuvre et l’application des politiques relatives à la consommation d’alcool ou de drogue dans le milieu de travail.